Chère Mademoiselle Orchidées,

Je ne vous connais pas. Pourtant, depuis hier, j’éprouve une réelle tendresse à votre égard. En effet, vous avez fait naître en moi une montagne d’admiration. Laissez-moi vous raconter pourquoi… En faisant glisser furtivement le fil d’actualité d’un média social, je suis tombée sur votre portrait. Un portrait, comme on en voit peu. Celui-ci dévoilait votre buste tatoué de jolies fleurs roses – cela n’avait rien de bien nouveau, certes, mais à un détail près : les jolies orchidées roses et flamboyantes étaient déposées sur vos cicatrices! Quelle audace. Quel panache. Quel message.

Je vous ai trouvé si belle, si rayonnante, si forte! Avec raison, vous avez rapidement retiré votre publication, mais si cette image a eu de l’effet sur moi, j’ose espérer qu’elle aura cet effet vitaminé sur vous, et ce, tous les matins. Désormais, chaque jour, votre regard se posera sur cette preuve bien tangible que la maladie n’a pas le dessus sur vous, sur votre âme.

Un écho à mon propre combat

Votre geste me rappelle mon propre combat, mais plus particulièrement une des leçons que j’en ai tirées. Après la mort de mon fils Guillaume, je n’arrivais pas à chasser de ma tête le moment pendant lequel je berçais mon garçon inerte dans mes bras. Je revoyais sans cesse ses yeux fixes, mi-clos, injectés de sang (à cause des nombreuses manoeuvres de réanimation)… Ce souvenir hantait mes jours et mes nuits et volait le peu de bonheur et de quiétude que je pouvais ressentir auprès de mon Chéri et de mon aîné – eux aussi accablés par la mort de Guillaume.

Chaque fois que je pensais à Guillaume, c’est cette image qui revenait. Puis, lorsqu’elle montait en moi, cela n’était pas un souvenir : je VIVAIS ce moment. Encore, encore, et encore. Comme si mon cerveau n’arrivait plus à se souvenir des autres moments passés avec lui. Ce souvenir, cette image, me rendait triste et désespérée : est-ce tout ce que dont je me souviendrais? Plus tard, avec mes recherches, j’ai compris que c’est le flot énorme des hormones de stress sécrétées à sa mort qui « court-circuitaient » l’accès à mes souvenirs heureux avec lui.

Après un temps, j’ai réalisé que je ne voulais pas que cette image soit l’héritage de sa vie. Je devais trouver un moyen de sublimer ce souvenir. Alors, lentement, doucement, mais avec conviction, j’ai amorcé un entrainement mental. Chaque fois que le souvenir « remontait », je faisais l’effort de regarder des photos de notre année avec lui. Quand les photos n’étaient pas à ma disposition, je les « appelais » mentalement. tous les petits moments savoureux, même ses crises de larmes étaient devenues joyeuses – car, grâce à elles, je revenais vers le petit garçon espiègle et colleux qu’il était. Ce qui me prit énormément d’effort au début devint de plus en plus facile, aisé, fluide. Et le choc, la peine s’amenuisaient eux aussi.

Des combats différents, mais une force de vie en commun

Ma cicatrice à moi est invisible. Mais, tout comme vous, j’ai choisi de ne pas la porter « nue » dans mon âme. Je l’ai habillée, sublimée… Tatouée pour qu’elle ne m’entraîne pas dans le gouffre du désespoir. Soyons fières de nos cicatrices, de nos épreuves, car elles nous ont menées sur de nouveaux chemins, qui eux à leur tour, nous ont transformés. J’espère que nos parcours nous mènent à semer l’espoir, à rappeler que la vie est belle!